Les missions spatiales VERITAS (NASA, 2031) et EnVision (ESA, 2028) embarqueront un instrument de spectroscopie avancé, le Venus Emissivity Mapper (VEM), destiné à cartographier la surface de Vénus. Développé par un consortium incluant le DLR (Centre aérospatial allemand), le LESIA (Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation), et le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales), cet instrument doit fonctionner dans des environnements extrêmes tout en détectant des signaux infrarouges de très faible intensité. La lumière parasite ou stray light, source majeure de perturbations, peut compromettre la qualité des mesures en saturant les capteurs et altérant les données. Pour prévenir ces risques, le LESIA a confié l’analyse de la lumière parasite aux ingénieurs de PISÉO, dont l’expertise et les outils de simulation avancés permettent d’optimiser le système optique et de garantir des performances fiables pour ces missions cruciales.
Dans ce cadre, l’objectif principal de la mission confiée aux ingénieurs de PISÉO a donc été d’identifier les différentes sources de lumière parasite, de quantifier leur influence et de proposer des actions pour la réduire.
L’instrument Venus Emissivity Mapper (VEM) (appelé VenSpec-M sur la mission EnVision) est un imageur multispectral conçu pour cartographier la surface de Vénus ainsi que sa basse atmosphère. Cette cartographie est réalisée grâce à l’observation à travers des fenêtres atmosphériques étroites situées dans le domaine spectral proche infrarouge. Le VEM permettra ainsi de détecter des émissions thermiques telles que l’activité volcanique, la composition des roches de surface, la présence d’eau et la formation de nuages à la surface de Vénus.
Le design optique de l’instrument comprend une lentille unique pour former une image de la surface de Vénus sur un assemblage de filtres composé de 14 bandes spectrales individuelles, et un système optique relais à deux lentilles pour reformer cette image filtrée spectralement sur un détecteur InGaAs.
Étant donné le faible niveau d’intensité du signal scientifique que l’instrument vise à détecter, toute contribution externe au rapport signal/bruit effectif doit être étudiée et, si possible, atténuée. L’une des principales sources de perturbation, comme dans la plupart des instruments optiques, est la lumière parasite.
Cette dernière peut créer des effets indésirables tels que :
• Effet de voile : réduction du contraste des images,
• Halo lumineux : dispersion parasite autour des sources intenses,
• Images fantômes : réflexions internes non contrôlées,
• Effets d’étoile : artefacts lumineux déformant l’interprétation des données.
La maîtrise de la lumière parasite est donc cruciale pour garantir la fiabilité des images produites par le capteur et éviter toute erreur d’interprétation scientifique. En associant ingénierie mécanique, optique avancée et stratégies de simulation, le système VEM illustre une approche de pointe pour relever les défis des environnements spatiaux et cartographier la surface des planètes.
En collaboration avec le LESIA et le DLR, les ingénieurs de PISÉO ont identifiés de nombreuses sources de lumière parasite pouvant potentiellement affecter la qualité de la détection assurée par le capteur. Il a donc été nécessaire de quantifier leur contribution afin d’évaluer les performances atteignables par le système dans ses conditions de fonctionnement prévues.
Les différentes sources de lumière parasite identifiées :
• Réflexions sur les lentilles : Les lentilles, même traitées peuvent générer du rayonnement parasite détecté par le capteur.
• Réflexions sur les éléments mécaniques : En fonction de leur géométries et malgré l’utilisation d’un baffle les élément mécaniques internes peuvent générer des rayonnement indésirables.
• Réflexions sur le capteur : Les capteurs InGaAs comme celui utilisé dans le VEM peuvent réfléchir jusqu’à 30% du rayonnement infrarouge.
• Interférences (« crosstalk ») entre les filtres : L’emplacement des 14 bandes spectrales IR est déterminant pour minimiser ces interférences.
• Matériaux et traitements : Les propriétés optiques des matériaux employés et leurs traitements, notamment leur diffusion, influencent significativement la propagation de la lumière dans les systèmes optiques.
• Contamination par la poussière : Les particules générées lors du décollage augmentent la diffusion du rayonnement.
• Influence solaire : L’éblouissement par le soleil, en fonction de l’orientation et de la date de lancement, peut saturer le capteur.
Afin de quantifier précisément la contribution de ces sources à la lumière parasite le système optique du VEM a été modélisé dans un outil de tracé de rayons puissant et des simulation réalisées.
Le LESIA a utilisé Zemax pour concevoir un système optique imageant, en optimisant la formation des images sur le capteur tout en minimisant les aberrations optiques. Cependant, bien que les ingénieurs de PISÉO disposent également de Zemax, l’analyse des rayons parasites, en dehors de l’image principale, a été réalisée avec LightTools, un logiciel de simulation non séquentiel plus adapté. Ce dernier permet de modéliser des sources et des surfaces pour étudier les cartes d’irradiance et les indicatrices d’intensité, identifiant ainsi les contributions des rayons parasites, y compris les « images fantômes ».
Les ingénieurs de PISÉO ont exploité cet outil au maximum de ses possibilités pour déterminer l’origine des rayons parasites, évaluer leur énergie par rapport à l’image principale et proposer des actions correctives. Le module « Imaging module » de LightTools, utilisé en version beta, a permis d’isoler les chemins critiques de lumière parasite et d’optimiser les résultats en se concentrant sur les trajectoires les plus pertinentes, garantissant un bon rapport signal/bruit.
La simulation optique a utilisé une source en champ lointain pour représenter le champ de vision de l’instrument. Une approche combinant une lentille idéale et une source ponctuelle, positionnée à trois emplacements stratégiques (axe optique, bord horizontal et vertical), a permis d’analyser avec précision les rayons parasites par rapport à l’image principale. Ces analyses ont mis en évidence des distorsions et des aberrations dues à un champ de vision excessivement large, provoquant des artefacts et des asymétries sur le capteur. Une optimisation de la conception optique a ensuite corrigé ces défauts, alignant les performances simulées avec les exigences du système.
Les lentilles ont été modélisées avec précision dans LightTools en intégrant les caractéristiques des matériaux et les propriétés optiques, notamment les pertes de Fresnel et les réflexions internes. Les filtres ont été simulés à partir d’un modèle mécanique, avec des traitements de surface spécifiques basés sur les données spectrales de transmittance fournies par CILAS. Les surfaces des filtres et des bandes spectrales ont été modélisées avec des traitements distincts pour garantir une grande précision. Le diaphragme, traité avec une peinture noire absorbante validée par le CNES, a été conçu pour absorber les rayons non réfléchis.
Par ailleurs, l’analyse de la lumière parasite, avec un seuil précis, a révélé que les réflexions internes dans la fenêtre en saphir, les lentilles, et les interférences entre filtres étaient les principales sources de perturbation. Des revêtements anti-réfléchissants ont été optimisés pour réduire ces réflexions, et des études ont évalué l’impact de la poussière et de la rugosité de surface. Les cartes d’irradiance ont permis d’identifier les zones critiques et d’affiner les traitements pour minimiser la lumière parasite.
L’analyse de l’impact du système mécanique sur la lumière parasite a révélé que les réflexions internes peuvent provoquer des images fantômes. PISÉO a utilisé et ajusté un modèle mathématique de diffusion, complété par des mesures de BRDF à 850 nm et 1550 nm. Ces données ont permis d’évaluer précisément les matériaux absorbants et de sélectionner le plus adapté pour réduire la lumière parasite.
Enfin, l’analyse a évalué la lumière parasite « hors axe », causée par la contribution du soleil. Le déflecteur asymétrique utilisé pour la mission VERITAS a été modélisé pour simuler les interactions entre rayons visibles et infrarouges. Une source plane uniforme a été adoptée pour améliorer l’efficacité des simulations, réduisant le seuil de détection et allégeant les temps de calcul. Ces optimisations ont permis de choisir un matériau et une conception adaptés pour réduire efficacement la lumière parasite.
L’analyse approfondie de la lumière parasite réalisée par PISÉO pour le LESIA démontre l’importance de l’expertise de la conception optique et des outils avancés de simulation et de modélisation pour garantir les performances des instruments optiques dans des environnements spatiaux extrêmes. En identifiant les sources critiques de lumière parasite et en proposant des solutions adaptées, comme l’optimisation des revêtements, des matériaux absorbants, et des éléments mécaniques tels que le baffle et le déflecteur, cette étude contribue à assurer la fiabilité des mesures scientifiques des missions VERITAS et EnVision.
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